Fragments de la légion 666
Carnet du sergent Enguerrand
MMXL/2040 ap J-C 8 octobre
Nous avons commencé par arriver à la frontière catalane. Nous vaincrons, je n’en ai aucun doute. Nous écraserons ce foyer d’hérésie et de corruption qui survit encore aux frontières de la grande Europe. La Grande Purge avait eu lieu et lentement la Nouvelle Europe s’achemine vers un Regnum Christi. Mais il reste à vaincre les derniers ennemis. J’ai confiance car je sais que nous allons gagner.
15 octobre.
Le sang séchait sur les murs. Je ne m’attendais pas à cela pas comme cela. Noss ennemis chargeaient de manière acharnée se ruant à la mort. Chaque rue de Barcelone devait être conquise et fortifiée face aux nouvelles contre-attaques ennemies. Ils n’ont que des vieilles kalachnikovs et des cocktails molotov mais ils s’accrochent désespérément. « La conquête avait été facile car nul ennemi avant cela ne nous avait pris au sérieux, tous pensaient que nous ne faisions que jouer avec les concepts ». Je me rappelle du cours de l’academia milites Cristiana sur « comprendre l’hérésie, l’infidélité et l’erreur pour mieux les combattre » et se demanda ce que ce professeur Rainer en aurait pensé. Et je me demande aussi ce qu’il ferait.
22 octobre
Je me suis trouvé face à une rebelle dans les égouts. Je me rappelle encore d’elle. Elle était jeune, si jeune et belle. Elle avait un capuchon rouge et serrait une sacoche. Je devais tirer mais j’ai hésité une seconde et elle fit détonner la sacoche. Mon armure énergétique a absorbé l’impact, m’ envoyant une série d’infobulletins sur le taux de résistance endommagé. J’aurais dû tirer. Je me demande ce qui les pousse à se battre jusqu’à la mort pour défendre leur monde vétuste et sans joie et pourquoi je n’ai pas tiré. Encore une fois, mes souvenirs me ramènent vers le cours et vers un passage du cours. Ce passage qui m’avait fasciné puis que j’ai tout fait pour oublier
Plus tard encore à Barcelone
L’unité d’Enguerrand venait de prendre encore une barricade. Un des soldats défonça une porte et hurla « des hérétiques ». Mais il ne tira pas. Enguerrand arriva avec quelques hommes de sa compagnie. Il y avait une jeune femme avec un enfant de quelques mois. Elle tenait l’enfant en jetant un regard effaré sur le soldat. Enguerrand et ses hommes arrivèrent. La jeune femme traçait à toute allure des croix sur la terre et semblait les supplier de les épargner. Un des soldats lâcha « de la graine d’hérétique, tuez-les tous Dieu reconnaître les siens ». Un autre releva sa visière, l’empoigna et lui demanda pourquoi sa maison avait un symbole de la fédération libertaire sur un mur. L’ambiance était lourde de désirs de meurtres, de viol et de sang. Un tout petit peu de bave coulait de la bouche du soldat (comme d’un loup pensa soudainement Enguerrand). Soudain, il fut comme transporté dans son cours. Il se rappelait que le professeur était un membre de l’organisation semi-mythique connue sous le nom de Légion 666. Le cours en lui-meme avait été intéressant mais sans plus. Mais il avait lu les écrits attribués par beaucoup à la Légion 666. La série de romans « Mort des templiers gris, renaissance des templiers gris, la rédemption du loup fou, la tragédie des templiers gris » l’avait énormément marqué. Ecrit peu avant les grandes guerres d’unification sur un ton oscillant entre l’épique et le désespoir, ils racontaient un groupe de chevaliers derniers défenseurs de la chrétienté dans un monde entièrement soumis à la libido dominandi.
Il se rappela de la fin de son cours où leur professeur avait posé une question à la salle que peu s’étaient posés et y avait répondu. La question s’appelait « pourquoi nous battons-nous ? Il se rappelait de sa réponse : « Nous sommes de la tradition des crucifiés et du Crucifié, de l’oblation et de la résistance, des prédicateurs et des moines soldats, des saints et de la souffrance des martyrs passé et actuels, de la lutte contre la libido dominandi et du temps des cerises, des enfants au regard pur refusant les évidences iniques, de l’action opiniâtre et des rêves fous, des conquêtes et de la sagesse. Nous sommes de la tradition qui vénère Dieu s’étant fait Homme pour être crucifié. Nous sommes de la tradition où l’on fait ce que l’on doit parce que l’on doit agir de manière humaine. Car chaque action que nous faisons contre la libido dominandi contribue à laver le visage du Christ portant sa croix et car chaque action liée à la libido dominandi que nous faisons enfonce un peu plus profondément les clous dans sa Chair. Un grand romancier du siècle d’avant a dit « Il y avait de la beauté à se tenir à l’arrière garde d’un monde fini ». Cela était vrai dans le temps mais cela l’est aussi maintenant. « Nous sommes l’ arrière garde d’un monde fini » devant préserver le meilleur de la tradition. Enguerrand se rappelait encore comme la manière triste et étrange dont il prononçait le mot tradition l‘avait frappé. « Et nous serons l’avant-garde et la jeunesse de Dieu. Face à un monde qui nous prétendit mais qui nous prétend aussi encore vieux et usés mais qui l’est. Un monde si vieux que ces grandes questions ont été posées il y a deux mille ans. Trois questions qui en elle seule suffisent à prouver que le Christ est Dieu et que la Bible est vraie tant elles résument parfaitement les critiques que l’on lui fit et que l’on nous fit. Le Seigneur se vit offrir de satisfaire les besoins matériels du peuple de « changer les pierres en pain » , il se vit offrir les miracles pour que la foule le croie et il se vit offrir la royauté de ce monde. Il le refusa. Il refusa de descendre de la Croix ou qu’une armée d’anges vienne Le sauver. Et bien que nous dussions utiliser ces moyens qu’Il refusa, nous devons en faire des moyens et non une fin. Il ne pouvait les utiliser car s’il les avait utilisé cela aurait été une fin. Nous devons nous salir les mains mais ne pas oublier le but final. Nous sommes le rempart du Christ et notre flamme ne vacillera pas. Nous laverons sa face ensanglantée. N’oubliez jamais cela. Amen. Puis il était reparti laissant des débats enflammés s’allumer. Enguerrand se rappelait maintenant avec lucidité de son cours et il sut ce qu’il devait faire. Il lui semblait qu’une seule seconde s’était écoulée. Rien n’avait changé. Il saisit son pistolet bolter et tira sur le premier garde. Le temps de la stupéfaction, il était entre les autres gardes et la jeune femme. Ils se préparèrent à tirer, lentement si lentement. Il en abattit deux autres avant que leurs armes fassent feu pour être absorbées par son bouclier. Il avança et les deux derniers fuirent. Il leur dit rassemblant ses souvenirs maladroits d’espagnol « Vous feriez mieux de fuir. » Soudain, son audio crépita. IL se demande si ce qu’il avait fait avait été détecté mais entendit une voix musicale et étonnamment féminine. Ici, une unité de la légion 666. Nous serions intéressé pour vous parler
Enguerrant se trouvait dans une cache de la Légion 666 en Catalogne. On lui avait assuré que la jeune femme et l’enfant seraient évacués. Il ouvrit les yeux pour voir la jeune femme qui lui avait parlé revenir. « Tout a été réglé » lâche-t-elle. Oui répondit un autre homme. Une bombe à fusion placée là par les vils rebelles a explosé tuant un jeune commandant prometteur et ses hommes. Personne ne creusera dans le bourbier qu’est Barcelone. Elle s’adressa à lui : Nous vous avons sauvé la vie, j’espère que vous en valez la peine. Depuis combien de temps m’observez-vous dit –il balbutiant. Depuis vos études. Le commandeur avait été intéressé par l’expression de votre visage lors d’un de ses cours. Nous vous offrons de continuer votre combat mais en quittant ce monde mauvais et impie comme Tartuffe. Un autre monde vous attend. Un monde de douleur, de sang et de larmes mais aussi d'espoir et de lutte partagée dans le secret. Vous savez au fond de vous-même que ce monde est impie et que nous pouvons le modifier discrètement. Enguerrand hésita un moment puis signa le papier
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