Le loup gris et l’agneau.
Jeune et innocent
Tranquille et confiant
Un agneau se désaltérait dans un ruisseau
A l’eau bondissante et tranquille.
Pour lui, la vie se confondait
Avec la chaleur fraternelle de ses camarades.
Sortir seul était risqué
Mais il n’était guère loin de chez lui
Et était un agneau voulant vivre et non survivre.
Affamé, un loup gris rôdait.
Un fier loup des steppes
Descendu du Mont Altaî et du Mont Tanri
Au poil bien frais et luisant.
Il songeait qu’il était dans l’ordre des choses
Que les loups mangent les agneaux.
Il n’avait aucune rancune contre les bons petits agneaux.
Et même il les aimait :
Il n’y avait rien de plus succulent
Qu’un tendre agneau
Quand il vit le jeune agneau
Se désaltérer sans crainte
Il s’enflamma
Et s’approcha sans un bruit
-Qui te rend si hardi
De boire à mon eau
Qui te fait oublier ta place
Vil animal.
Et qui te fait croire que tu as droit au respect
Que méritent seuls les plus forts que toi
Il est grand temps que l’on te le rappelle.
-Sire dit l’agneau, ne vous mettez pas en colère.
Considérez que l’eau des rivières appartient à tous.
Je ne remets nullement en cause votre prééminence.
L’usage que je fais du ruisseau
Ne saurait être comparé
A celui si noble que vous en faites.
-Tu te trompes répondit le loup des steppes
Tu médis et complotes contre moi
Tu aspires à ma ruine
Et tes paroles manquent d’humilité.
-Sire comment aurais-je pu médire de vous.
Je tête encore ma mère.
-Silence répond le loup.
On ne t’a pas appris à respecter tes supérieurs.
Cela fait bien trop longtemps
Que vous n’acceptez plus votre place
Que vous osez nous contredire.
Que vous vous enrichissez
En suçant notre sang que nous répandons
Pour la défense de tous.
Et vous osez même vous défendre,
Alors que vous connaissez l’évidence
Que notre volonté est le droit
Et nous allons vous l’apprendre plus durement.
L’agneau se redressa, une fière lueur dans les yeux.
-Votre règne inique et sans joie finira.
Devant la force de notre foi.
Vous nous avez appris à mourir.
Mais peut-être avons-nous appris
A avoir une belle mort.
Et un jour, les mauvais jours finiront
Ivre de rage, le loup l’emporte et le mange
Rouge du sang est la toison virginale de l’agneau sacrifié.
Au loin, une colombe gémit tristement
Le loup devrait être heureux.
Les agneaux ont été dévorés
Ils se sont appropriés ce qu’ils avaient
Mais au fond de lui, un vide
Comme s’il était mort et qu’un oeil vengeur le regardait.
Comme si une ligne sismique traversait son âme.
Ses nuits ne sont guère tranquilles.
Et son front est marqué d’une tache noire.
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