Un ancien de la brigade des loups

 

Bande-son https://www.youtube.com/watch?v=lZ-lGi0s3KA


Jakob avançait dans le désert de l‘Utah. Il était amer mais prêt à tout pour découvrir l'Extérieur loin de sa communauté. Il avait fui peu avant la Cérémonie d'engagement. Soudain il entendit des bruits de chevaux et des rires d'hommes. Il resta comme tétanisé. Les cavaliers l'encerclèrent. « Qu'est-ce qu'on a pêché » là dit l'un d'entre eux avec un tatouage traduisant son appartenance à un clan néo-viking. « Dis gamin qui sommes-nous ? » Jakob était paniqué. Il avait entendu parler des clans guerriers mais les pensait plus loin. Il ne répond pas dit un autre. D'ailleurs on dirait un agnelet tout fragile. Ils lui saisirent son sac et commencèrent à le vider. Il eut un mouvement instinctif quand ils sortirent sa Bible. Le guerrier à côté de lui le cogna et l'impact le projeta par terre.

Ils étaient en circonférence autour de lui. Ils le poussaient quand il essayait de se relever. Il implora pitié « Erbaarme ». « Un amish » dit l’un en ricanant. "Un mouton" dit un autre, méprisant. Ne l’abimez pas dit l’un. Ce sont des agnelets mais ils savent écrire et on pourrait en avoir besoin quand le skalde du Klan va mourir pour les chroniques. En outre, ils sont entièrement européens ce qui sera pratique pour la propagation des gènes"

Soudain, une voix ironique et mordante s’éleva

"Qui donc tourmente un innocent sur cette triste planète. Relâchez-le et partez." "Sinon" cria le Viking semblant être le chef. "Sinon, je vous tuerais dit la voix. Je me retiens de ne pas le faire même dans ce cas, sachant qui vous êtes." dit la voix toujours ironique. "Tuez-le" ordonna le chef.

Une silhouette apparut et tira à une vitesse fulgurante avec un pistolet à vapeur. Chaque balle faisait mouche et les cinq vikings tombèrent. Celui à qui appartenait la voix apparut aux yeux de Jakob. Attrape un cheval lui dit-il.

Il ressemblait à une sorte d’extraterrestre se dit Jakob. Les cheveux blonds et la peau assez mate. Une aisance féline comme celle d'un loup dans ses déplacements. Et des yeux gris semblant tout noter et se trouver ailleurs peut être. Merci dit-il. Je m’appelle Jakob. Georges Ender répondit l’homme.

Jakob prit la bride du cheval. L’étranger ramassa sa Bible qu’il scruta en semblant ailleurs pour un moment. Il siffla et un cheval blanc apparut. "merci" dit Jakob. "Non je te remercie dit l'homme. Tu m'as permis de tuer pour une juste cause comme sur le Mont Olympe" "le Mont olympe ?". « Oui, en Grèce. Je rêvais depuis que j’étais jeune d’y mener bataille et il faut se méfier de ses rêves immenses et rouges de jeune loup des steppes." Il rit d’un rire amer comme s’il avait raconté une excellente blague connue de lui seul." Je devais y mener une mission contre des gens d’ailleurs assez proches idéologiquement de nos charmants amis" dit-il en désignant les Vikings morts. J'y ai planté le drapeau rouge avec une lune descendante et un loup, que plus jeune je rêvais de planter à son sommet. C’était un masque de plus" Et il se tut, semblant plongé dans ses souvenirs

Ils chevauchèrent et s'arrêtèrent pour la nuit où il sortit des provisions. Il dit abruptement à Jakob "que veux-tu maintenant ?" La gorge de Jakob se dénoua :"J'étais un membre du Vieil ordre. Je ne voulais pas du mariage prévu. Je voulais avoir un esprit libre."Les mots s’entrechoquaient dans sa gorge mais il continua à parler. "Je suis intelligent je pourrais en vivre à la Nouvelle Californie Indépendante." "Comme serf codeur » dit l’homme. « Si tu es intelligent, ils aspireront tout, te laisseront un petit cratère à la place de ton cerveau et tu souhaiteras regretter ta vie d’avant. Ce n’est clairement pas un endroit pour toi." Il soupira. "Tu as de la chance d’être tombé sur ce vieux George. Il a assez à se faire pardonner pour que son pôle moral soit solidement défini et qu'il veuille se racheter par quelques bonnes actions. Tu avais un plan à part atteindre la Nouvelle Californie à pied ? " "Les villages voisins cherchent parfois des enseignants et même les pueblos parfois." "Dommage que la mini tempête guerrière que soulèvent nos amis vikings dans leur fantasme de purification ethnique risque de les détruire. Tu ne veux pas rentrer chez toi ?" "Plutôt mourir" dit Jakob.

Une ombre passa sur le visage de Georges. « Tu devrais. Tu aurais une vie assurée en cette ère glaciaire. Mais je peux comprendre le fait de ne pas suivre la voie tracée. Donc le problème reste, que faire de toi mon jeune ami ? Tu vis dans un monde structuré par la guerre. J’ai un avantage sur toi. J’ai vécu dans ce monde en étant formé et formaté pour lui comme toi pour ta petite communauté. Je vais te raconter mon histoire et te faire deux propositions de choix pour t’en sortir.

Je suis né dans un pays qui se voyait comme sortie des glaces qui le comprimaient. En un sens j’ai presque pitié de nos amis vikings que j'ai tué. Ils bricolent ce que je pensais naturellement. A l'école j'apprenais que je serais le sabre qui vaincrait nos ennemis. J'ai rejoint tout naturellement les foyers de la jeunesse idéaliste et conquérante. Nous étions une masse implacable unie avec un guide et un horizon. Nous reprenions notre chevauchée éternelle vers la pomme rouge et nous allions vaincre. Le monde serait à nous. J'étais l'éclaireur au service de la meute, le börü, le loup des steppes solitaire qui veillait quand les autres dormaient. L’avenir me souriait, J’étais un bel officier en uniforme sanglé et impeccable tout frais émoulu de l'école des cadets et j'étais prêt à participer à la ConquêteJ’ai mené des combats et trempé mon sabre le long de l’Euphrate ainsi que de l'Adriatique. J’ai participé au franchissement de la rivière Maritsa. Nos ennemis internes se terraient comme des serpents et nos ennemis externes étaient occupés. Et puis, je l'ai rencontrée. Elle était belle et lumineuse comme une étoile. J'étais un jeune ghazikurt. Nous nous sommes aimés. Et lentement elle m’a parlé de choses inconcevables, elle a levé le masque. Je l'ai accusé de trahison et elle est morte. Mais j'ai continué, à chercher taraudé par un doute et elle avait raison. 

J’ai été entraîné à combattre et j'ai décidé de combattre ce que j'avais adoré. J'ai longtemps erré dans des ruines, cherchant où combattre portant en public un masque.  Puis chez nos pires ennemis de l’Europe Nouvelle dont l’idéologie était un miroir de la nôtre, j’ai entendu parler d’une opportunité, celle de la Légion 666. Cette structure était différente du système idéologique de nos ennemis et pourtant ils se battaient avec eux. Je les ai contactés prêt à sacrifier mon corps et mon âme pour repousser le mal. Comme le dit un des slogans de mon enfance "parfois les monstres gagnent » mais cette fois-ci ce ne serait pas le cas. Eren est devenu Georges. Faire ce premier pas m’a permis d’avoir une atmosphère plus vivable. Et puis j’ai participé à leur projet. J’ai attisé les tensions internes  et transmis des informations. J’ai vu à travers les masques dans les brigades ceux qui étaient des hommes déguisés en loups, et ceux qui étaient des loups...déguisés en hommes comme moi auparavant. J’étais insoupçonnable, le loup des steppes qui avait même dénoncé une traitresse qu’il aimait. Comme une pomme tombant avec les lois de la gravité, tout s'est enchaîné. Le raid du mont Olympe fait par quelques loups fous dont j'étais fut la goutte de trop poussant l’Europe Nouvelle à déclencher une guerre totale contre mon pays. Le reste appartient à l'histoire. J’y ai perdu tant de gens que j’estimais. Et cela pour une Europe Nouvelle que moi et bien de mes nouveaux camarades haïssent aussi et qui j'espère sera balayée par une révolution. Mais dans un monde de monstres, il faut espérer avoir le plus effrayant et le moins pire avec soi. Je ne regrette rien. Nous étions construits sur une ligne de faille tectonique faite de douleurs et maitrisée par des cauchemars et de mensonges et nous méritions le séisme final. Puis j’ai demandé mon congé. On me l’a accordé et on m'a envoyé ici où j’essaie d’avoir une rédemption pour mes péchés. Je sais que le projet de mes camarades de la Légion n’est pas terminé. Voilà ce que je te propose. Veux-tu la rejoindre ? Ils ont besoin de cœurs purs et vraiment idéalistes pour envoyer dans le canyon tout ce qui rend ce monde mauvais. Et pour ne pas eux-mêmes y sombrer. Tu porteras un masque mais tu y trouveras des hommes d’une qualité rare bien que masqués.  Ou alors je peux leur demander de t’envoyer dans la Nouvelle-Zélande. On dit que c’est un paradis social-démocrate et on doit y avoir un contact avec l’opposition locale écosocialiste via un ou deux jeunes vrais idéalistes. Ils nous doivent bien ça d’exfiltrer un jeune naïf. A toi de voir. L’important c’est la persévérance et de tenir ferme à ce qui est noble comme me l’a dit un jour le Commandeur. Bon, reposons-nous." 

Ils repartirent dans le désert au matin, un vieux loup qui fut idéaliste et un jeune naïf qui se demandait si il préférait porter un masque visible ou invisible.

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