Voyageuse entre les mondes

 L’on dit qu’une jeune femme Voyage de monde en monde pour combattre les Puissances de la Ruine. Sur chaque monde il y a un monstre. Mais elle les vainc tous, avec son épée spirituelle qui fait pâlir les monstres et les tyrans. Voilà ce que chantent les bardes subversifs, dans certaines tavernes. Ils disent qu’elle est la voyageuse trempée qui parcourt la ronde des mondes unis, la voyageuse vorace qui combat les dragons stellaires, la pèlerine aux pieds fatigués marchant vers les étoiles. Elle est Eimbre, celle qui est la flamme de l’Espoir, celle qui se tient debout aux frontières du royaume et du temps et un jour triomphera.

La jeune femme émergea de la Porte et la referma. Elle avait encore vaincu et entendait derrière elle les hurlements des chiens infernaux frustrés, car elle avait réussi à leur échapper. Elle fit disparaitre sa lame magique qui fait pâlir les monstres et les tyrans. Elle était de blanc armée mais vêtue de guenilles car la dernière quête avait été dure. Son coté avait une plaie issue de la morsure d’un des chiens. Elle avança, établit son camp, mangea ses provisions de secours et se banda. Encore une nouvelle planète, encore des combats à mener bien qu’elle ignorait lesquels. Mais qu’importe l’ennemi pourvu qu’on ait la cause. Elle s’endormit en chantant confiante, car elle savait que malgré les épreuves, demain leur appartiendrait et que nul ne pouvait stopper leur ascension.

Le matin elle reprit la route en fredonnant une ancienne chanson parlant d’une bien aimée, d’une infidèle, d’une fille bien vivante qui se réveille à des lendemains qui chantent sous le soleil. Le pays était beau, vallonné mais désert.

Elle marcha un jour entier sans repérer personne. Mais le soir alors qu’elle installait son camp, elle entendit un bruit. Elle avança aux aguets et regarda dans une clairière. Là un homme dansait sur la musique d’une flûte invisible. La lumière des étoiles était dans ses cheveux gris-blancs et dans ses vêtements scintillants. Il avait l’air étrangement triste et mélancolique et ses yeux semblaient bien plus vieux que lui. Il la vit et lui demanda d’où elle venait. Elle répondit qu’elle était une voyageuse venant d’un pays fort lointain. Il sembla repérer son pansement et lui demanda si elle avait besoin d’aide. Elle hésita : après tout cela pouvait être un piège des puissances de l’Oppression. Cependant, elle utilisa ce que ses mentors lui avaient appris pour Scruter son esprit sur ce point et vit un dégoût profond et inextinguible pour l’Oppression. Elle accepta son aide. Il l’emmena dans un château qui était non loin à un ou deux kilomètres. Le château était grand et beau mais désert. Des rayonnages de livres et quelques rares flambeaux.

Ils mangèrent un bon repas accompagné d’un excellent vin. Puis ils parlèrent : il sembla accepter ses explications et elle le questionna longuement. Il lui répondit qu’il s’appelait Galaad, questionné par elle qu’il avait en effet des pouvoirs magiques et ils parlèrent de bien des choses. Elle passa une semaine à se reposer, elle lut des ouvrages de la bibliothèque de Galaad qui lui fournissaient des indications et étaient plein de révélations y compris sur des mondes où elle était allée. Galaad restait discret, la voyant essentiellement lors des repas et s’occupant du château. Le soir, il racontait des lais car il en connaissait de nombreux : la triste histoire de Turin Turumbar qui détruisit tout ce qu’il aimait et le chagrin d’Odin le Goth celui que l’on appelait Carl le maudit, la ballade de Beta 2 et la lutte désespérée d’Amirg, l’histoire d’amour entre Annie et Bertolt et le désespoir de Rainer. Il narra la résistance de Grendel et le dernier combat d’Hector. Ses lais racontaient des héros torturés et ambigus et des histoires d’amour impossibles. Il récita l’épopée de Saint Mauvais Nicholas Eymerich, ses exploits et ses peurs, ses lumières et ses craintes. Enfin, il raconta une histoire celle d’un chevalier érudit et pieux voulant détruire les puissances du Mal. Celui-ci cherchait à combattre les forces du mal en comprenant leurs pensées et un jour tomba sur des manuscrits qui lui révélèrent une terrible vérité. Il lut ces manuscrits, hurla de rage et se creva les yeux. Il lui semblait avoir déjà entendu cette histoire mais sans qu’elle puisse s’en rappeler.

Un soir alors qu’ils commençaient le repas, elle lui dit.

« Galaad, tu n’es pas un humain normal »

« Je te l’ai dit, j’ai été formé aux arts magiques »

« Je parle de ce que tu connais. Tu as accès à bien des choses que seules les plus savants connaissent et à maints secrets. J’en viens à me demander si tu n’en sais pas bien plus sur moi que ce que tu dis et pourquoi tu restes ici»

Galaad répondit tristement « Je reste ici car je suis prisonnier. Viens ». Elle l’accompagna à l’observatoire du château, seule pièce dont il avait la clef. Là il joua d’un amplificateur psychique et une des étoiles qui était dans le ciel se mit à briller comme un cicatrice blafarde et démoniaque. Elle entendit des cris de douleur qui racontaient une histoire dont elle ne pouvait saisir les détails mais dont la simple idée la glaçait. Elle sentit une Présence maléfique, un vent semblant charrier toute la mort et le désespoir du monde et cette mort et ce désespoir ne pouvaient être dits.

« Voilà répondit –il, je fus un chevalier-mage qui tenta de combattre les Puissances de l’Oppression. Mais les quatres me vainquirent en s’unissant. Depuis, ils me surveillent. Chaque jour je dois me connecter mentalement pour qu’ils vérifient que je suis bien là dans cette planète privée de toute vie qu’ils m’ont assignée et qu’ils puissent me parler. Ils ne peuvent être vaincus. ».

Ils rentrèrent dans la grande salle. Là elle le vit différemment. Prisonnier, mentalement brisé et aux yeux si tristes mais pourtant si beau dans la résistance obstinée qu’il semblait préserver. Et elle fut saisie d’une grande pitié et d’un grand amour pour lui. Elle lui proposa de danser après un verre de vin. Ils dansèrent ensemble une mazurka. Elle dansa avec Galaad pour lui faire oublier. Elle dansa cette danse comme une figure joyeuse et langoureuse. Leurs corps se frôlèrent comme un langage secret, comme une discussion infinie. Et elle lui murmura joue contre joue « Tu peux encore te redresser et lutter. Tu as en toi une énergie vivante et un savoir immense. Rejoins-moi et ensemble combattons les puissances de la Ruine ». Alors qu’elle tendait ses lèvres pour l’embrasser, il se retira. Sa voix était étranglée quand il répondit « Je ne puis faire cela ». Il mit fin à la musique d’un geste et les flammes s’éteignirent. Alors elle dit « Aide du moins ceux qui continuent la lutte et amène moi à la porte ». Il dit qu’il le ferait.

Le lendemain, ils partirent pour aller à la porte. Elle était également assez proche et ils y arrivèrent. Là ils avancèrent sur le qui –vive en attendant le monstre et il lui dit « Eimbre ». Elle sursauta car c’était la première fois qu’il l’appela par son nom. « Eimbre tu ne pourras vaincre et tu finiras par tomber. Reste avec moi Eimbre. Je t’aime et peut être pourrais-je oublier ce que je sais. Reste avec moi pour l’amour de Dieu ». Elle répondit qu’elle avait un devoir sacré à accomplir et que rien ne pourrait l’en détourner

Peu avant d’ouvrir la porte, elle s’arrêta. « Qu’est ce qui te fait hésiter ? » lui dit –il. « Il y a toujours un monstre répondit -elle et je préfère attendre prête à me battre plutôt que de me faire attaquer pendant l’ouverture de la Porte. »

Il lui demanda si elle voulait écouter un dernier lai pour passer le temps. Elle accepta. Il eut un sourire triste et raconta l’histoire du chevalier érudit et pieux voulant détruire les puissances de l’Oppression et étudiant pour cela afin de les combattre. Mais dans cette version, ce chevalier était aussi actif, un érudit maniant aussi bien l’épée que la plume. Puis il avança aux frontières du temps et décida de ne pas uniquement Voyager par les portes mais construisit en faisant appel à des savoirs oubliés un moyen de voyager à travers l’espace. Et il découvrit qu’il y avait d’autres mondes accessibles au-delà des Portes. Ces mondes souffraient horriblement et il comprit d’où venait leur souffrance. De l’ouverture des Portes. Il clama cette vérité à l’ordre dont il était membre et fut vu comme un fou ou un traître. Il échappa à son arrestation et désespéré après un moment où il essaya de lutter seul, choisit de brûler ce qu’il avait adoré et se rapprocha des seuls prêts à empêcher l’ouverture des Portes. Là il se tut. Elle lui demanda « et alors » tout en pressentant la réponse. « Sur chaque planète répondit Galaad, calmement, il y a un gardien qui tente d’empêcher le voyage de porte en porte. La plupart ont tenté de t’arrêter par la force, d’autres par la ruse. L’un essaya sincèrement de te retenir par l’amour et la compréhension profonde de ton combat. Mais celui-ci dont tu as dû entendre parler sous le nom d’Ishestel, le destructeur de l’espoir sait également pourquoi il se bat car qu’importe l’ennemi pourvu qu’on ait la cause. Ce qui l’a fait devenir ce qu’il est devenu : Ce sont des petits morceaux de peur un peu partout dissimulés/ Des petits morceaux de frayeur qui finissent par s’assembler/ Rien que des petits morceaux de peur qu’il est allé chercher/ Des limailles, des copeaux de terreur qu’il a osé regarder, les yeux grands ouverts sans se les crever. Je te demande une dernière fois de renoncer ». Elle invoqua sa lame spirituelle en lui disant la voix étranglée « Certains tombent et alors il faut les combattre ». Un sourire triste apparut sur le visage d’Ishestel/ Galaad alors qu’il invoquait à son tour une lame sorcière et que commença leur duel.

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