Débat historique

 Aussi longtemps que les garafs (loups) n'auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur

Proverbe populaire chez le peuple de Dun appelé Dunlendings, Dunfôldiek ou Peuple Libre
Qui sont les garafs et qui sont les chasseurs ? 
Graffiti anonyme après la révolution Eludienne

Début du conte de la femme sauvage (i narn i nissë verta)
Récit introductif, en la 50ème année du 4ème âge, 
sous le règne du Roi Aragorn Elessar

J’écris cette note, cerné par la mort, la peur et le désespoir. De cruels ennemis sont sur moi et me pourchassent. Je n'aurais jamais cru devoir dire ennemis concernant le Roi et ma mère. 
Je ne sais pas qui tu seras lecteur. Si tu crois en Eru dis-toi que j'y crois aussi et que ce témoignage n'est pas la vérité mais une vérité. Un manuscrit de démons (ou de sorcières) dans lequel on aperçoit comment ils voient les Quendi et les Atani. On peut penser aux enluminures du Livre Rouge où l’on voit parfois nos ennemis apparaître dans des scènes décrivant la vie des héros de l’Ouest et des compagnons de l’Anneau. Ils apparaissent dans des feuillages nous observant. Là ce sont nous qui apparaissons dans les feuillages et eux qui sont représentés sur les enluminures. Celle qui m'a livré la matière de ce manuscrit aurait mérité une meilleure vie et nous devons regarder le miroir qu'elle nous tend, bien qu'il nous en coûte. Je vais reprendre ma chevauchée à travers les collines, enterrer ce manuscrit et les entraîner sur une fausse piste. Je chevauche dans ces collines tel mon grand-père Eomund. Il fut un chasseur et je suis une proie c'est toute la différence. Les sages disent que c'est préférable mais j'ai peur.
Je ne sais plus qui sont mes ennemis, ce qui est bien ou mal mais je vais faire ce que fait un chevalier : tenir ferme à ce qui est noble. 
Salutations
Varamar, archiviste de l'ordre du Livre Rouge et chevalier de l’Arbre Blanc
Le jour est la main gauche de la nuit. 
A la fin y aura-t-il un bruit ?
*
An 45 après l’illumination. 6 Mishan
Heureuse et glorieuse vie à vous sous la lumière d’Elud, Evgueni mon ami
Je vous informe que la traduction du Dit de Deirdre est à présent terminée. Elle nous a pris sept ans. Le langage commun dans lequel Varamar écrit est complexe. Par ailleurs nous n’avons pu découvrir si Varamar a vraiment existé mais cela est probable vu la précision des détails qu’il apporte sur le Nouvel Empire Gondorien.   Mais illuminés par Elud, nous avons réussi. Je ne sais pas si vous connaissez cette célèbre mélodie mal vue par le pouvoir elessarien. Celle commençant par
L'homme est revenu auprès du Peuple Libre
Pâle était sa peau, bossu son dos
Courte sa taille, bleus ses yeux
Et des armures étincelantes


Une jeune guerrière attendait à la porte
Pour s'entraîner comme autrefois
Quand elle le vit son cœur bondit
Car il portait l'Espoir.
Auprès de lui marchait le sage Blanc
Et des armures étincelantes.
Elle fait clairement référence aux épisode racontés dans le Dit de Deirdre, que ce soit sur l’homme (assez clairement Amirg), la jeune guerrière (Deirdre) ou le sage Blanc (Saroumane)Je vous envoie le manuscrit et je ne le vous divulgâche pas plus. Mais sachez que nous avons avec lui le coup le plus fatal jamais porté aux mythologies obscurantistes du Livre Rouge et à la chape de plomb que l’Église elessarienne a fait peser sur notre peuple. Je vous souhaite du plaisir à la lecture
Votre dévoué et reconnaissant Alexei         



An 45 de l’Illumination. 20 Mishan
Cher Alexei
Je l’ai lu et je le trouve extrêmement intéressant. J’ai eu raison de vous soutenir même quand vos recherches marquaient un coup d’arrêt. Comment ne pas être enthousiasmé par la lutte de Deirdre préfigurant les luttes socialistes, féministes et anti obscurantiste de la Commensalité éludienne ? Comment ne pas frémir en voyant les horreurs commises par le pouvoir théocratique et féodaloraciste des Forgoill ? Comment ne pas voir dans l’alliance entre Amirg et Deirdre, l’alliance de la plume du savoir avec le glaive implacable de la force que prônait Elud les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde. S’ils le transformaient ? Car en effet, le philosophe a trois choix : se soumettre à la société réactionnaire, mourir face aux persécutions que celle-ci lui fait subir ou la contrôler. Et pour cela, il faut l’alliance de la plume et du fusil dont la Commensalité offre l’exemple le plus parfait avec son gouvernement de philosophes-savants et ses Gardiens apportant l’Idée pure dans le monde matériel. Votre livre est très bon même si certains points dont je vous parlerais de vive voix me dérangent un peu. J’espère son adaptation en film prochainement et son édition aura lieu dans quelques mois. On commence à parler de vous en bien dans les cercles des Soixante-Six.
Evgueni


An 45 de l’Illumination. 25 Mishan
Très cher Evgueni. Qu’Elud continue à vous protéger pour que vous illuminiez le monde de votre savoir.
Merci pour votre retour. J’espère vivement une publication la plus rapide possible et je suis si honoré que le Conseil suprême des Soixante-Six s’intéresse au Dit de Deirdre. Un film couronnerait cette œuvre. À ma modeste échelle j’espère être un reflet de cette phrase d’Elud La lumière perce et les ténèbres se dissipent que vous incarnez dans sa réalisation matérielle la plus proche de l’Idée pure.
Votre humble dévoué et reconnaissant Alexei.

An 46 de l’Illumination. 3 Grishan
Evgueni, mon très cher ami.
Je me tourne vers vous dans mon étonnement et ma perplexité. Serguei, un ami à moi travaillant aux Editions du Savoir Eclairant m’a envoyé la version devant être publiée. Je ne sais pas qui a relu le Dit de Deirdre mais les propos de Deirdre sont gravement tronqués. Les références positives à Eowyn, celles qui traduisent la complexité de Saroumane et de l’expérience de Deirdre comme auxiliaire de ses armées ont été supprimées. Je trouve cela purement scandaleux d’autant que nous avons un récit précieux car rare sur l’expérience militaire lors de la guerre marquant le passage du Moyen Empire Gondorien au Nouvel Empire Gondorien. Il faut également préciser que son récit sur Eowyn donne un aperçu des tensions à la cour des Rohirrim et que celles sur Saroumane sont une source unique sur un personnage important décrit purement avant par des sources elassariennes très négatives. Quand Eowyn se déclare comme emprisonnée à la cour comme si j’étais une fleur fragile en attendant d’être fanée ou d’être mariée pour une quelconque alliance comment ne pas être touché par ses propos ?  De même, pour les références assez centrales de Deirdre à l’histoire de son peuple quand cela parle des Eldars / blancs-démons ou pour son expérience combattante avec les Uruk-Hai. Celles-ci sont des véritables trésors sur l’histoire de notre continent dans ces âges les plus reculés. Je suis conscient que certaines scènes notamment le cannibalisme massif et utilisé comme une arme de terreur des Uruk-Haî peuvent choquer. Cependant, cela montre les horreurs de la guerre des deux camps. Il est clair qu’il n’y a aucun point commun entre la lutte de l’Illumination et celle menée par Saroumane sur cela. Enfin, ces pratiques choquent une grande partie des membres du Peuple Libre poussant certains à arrêter le combat, à chercher la mort ou d’autres à continuer à lutter mais en réprouvant cela (ce qui est la position de Deirdre). Enfin, la dernière lettre fascinante d’Amirg à Deirdre dans lequel se trouvent exprimés les contradictions et des critiques de l’opposition à ce qui va devenir le pouvoir elassarien disparaît. Or cette lettre est un point central dans la réflexion d’Amirg et dans la construction de la personnalité de Deirdre quand celle-ci parlera à Varamar. Elle permet de se rendre compte de la lucidité du Peuple Libre, explicite un évènement historique assez sourcé qui est celui de la mort de Saroumane et est une réflexion d’une portée universelle sur l’espoir de la Révolution même quand celle-ci semble brisée.
Certes, je suis conscient que de telles modifications amplifient la portée du discours portant sur le régime oppressif des Forgoill et du Moyen Empire Gondorien qui constituent des modèles pour l’Église elessarienne. Mais ces passages révèlent aussi les contradictions et les dérives d’un mouvement révolutionnaire qui n’est pas animé par la science de l’histoire d’Elud. Enfin, notre but est de diffuser le Savoir non de le cacher sinon valons-nous vraiment mieux que l’Église elessarienne ? J’oserais même ajouter que nous devons cela à Deirdre. En traduisant le récit que Varamar a mis sur papier, je me suis senti très proche d’elle, de ses doutes, de son expérience de vie et de ses luttes. Tronquer son récit serait comme l’exécuter une seconde fois. Je m’en remets à votre intervention pour corriger ce malentendu.
Votre dévoué et respectueux Alexeî


An 46 de l’Illumination 15 Grishan
Cher Alexei
Je me sens coupable. J’aurais dû vous exprimer mes critiques sur le Dit de Deirdre par écrit plutot que d’attendre que nous nous rencontrions. En effet, j’ai été le premier à suggérer les modifications qui vous affligent. Les éléments sur Eowyn, Saroumane et les groupes connus dans la tradition historique sous les noms d’Eldars et d’Uruk Hai ne sont pas souhaitables. Ils renforcent les thèses du   Livre Rouge là où notre but est de le critiquer. Vu le rôle qu’a joué le poison du Livre Rouge sur notre peuple, poison pas encore éradiqué et l’influence qu’il a encore sur l’humanité, rien ne doit le renforcer.
Les références aux Eldars et aux Uruk Hai doivent être impérativement supprimées. Elles renforcent la prétention de l’Église elessarienne à se présenter comme défendant une humanité qu’elle opprime sous son régime obscurantiste. Le soi-disant groupe ethnique des « eldars » est clairement lié à la prétention d’une partie des dirigeants de l’idéologie elassarienne à avoir un « sang parfait » sous prétexte de leur ancêtre commune appelée dans leurs manuscrits Arwn Undeomiel et qui serait elfique.
 De manière globale, le discours sur les « Eldars » purs et parfaits est un marqueur de la religion elessarienne reposant sur le dénigrement de ce monde au profit d’ « arrières-mondes » plus parfaits et traduit le fantasme risible et inaccessible des elessariens d’être un jour comme des « Eldars ». Montrer des arguments en faveur de leur existence renforcerait ce discours arriéré, réactionnaire et contre -révolutionnaire.
Enfin, parler de l’existence des Uruk Hai et des Eldars renforcerait le discours contre révolutionnaire autour des soi-disant recherches biologiques que mènerait le centre pour l’augmentation du corps et de l’esprit humain basé dans la forêt de Dwimordene.
 Pour conclure, les doutes finaux de Deirdre et d’Amirg affaibliraient dans l’esprit des lecteurs leur volonté de se dévouer de manière totale à la ferveur révolutionnaire alors que celle-ci doit être bandée comme un arc vers l’illumination de Terra par les Idées d’Elud.
Vos scrupules sur le texte vous honorent mais n’oubliez pas que le texte est d’un ellessarien du nouvel Empire Gondorien. Certes, il est dissident mais il reste dans sa dissidence un suppôt de la réaction : il ne cache pas sa préférence pour Deirdre alors qu’elle est bien moins inspirante, d’un point de vue d’éducation révolutionnaire, qu’Armirg.  Quoi qu’il en soit vous ne trahirez ni Deirdre ni Amirg mais ce Varamar qui malgré toutes ses qualités, n’en reste pas moins un ellassarien.
Evgueni

An 46 de l’Illumination 35 Grishan.
Très cher Evgueni, penseur fécond et continuateur d’Elud
Je comprends vos inquiétudes et les partage. Cependant, elles me paraissent exagérées. En effet, le manuscrit montre de la manière la plus claire que le Moyen empire Gondorien et leurs vassaux Forgoill et par conséquent le nouvel empire Gondorien et l’Église ellessarienne qui en découle ne défendent pas l’humanité mais une vision du monde. Cela apporte le démenti le plus brutal aux prétentions du Livre Rouge et de la littérature d’exégèse de celui-ci. Le dit de Deirdre pourrait expliquer l’existence des groupes connus sous les noms d’Eldars et d’Uruk Hai tout en révélant les fantasmes accumulés par l’Église elessarienne autour de ces groupes et en éclairant d’un jour nouveau les campagnes de « purification » menées par l’Église dans les montagnes bleues vers la fin du nouvel Empire gondorien. De même le Dit ne parle jamais directement des Eldars, on ne les connait que via la fascination qu’ils exercent sur Amirg .
Nous avons les récits du Peuple libre qui présentent les blancs-démons comme des sorciers inquiétants et la vision d’Amirg influencée par la littérature forgoill et gondorienne qu’il a accumulé et qui les présente comme le fait l’Église elessarienne. Mais je vous demande de noter qu’Amirg y voit un mythe utile dont il tire des récits et des argumentaires mais sans considérer que la présence eldar est positive (et ce serait peu cohérent avec son action). Pourquoi ne pas voir dans ceux-ci un groupe ayant existé, monopolisé la plus grande part du savoir et opprimé les autres groupes humains (un peu comme le clergé ellessarien après d’ailleurs) et ayant disparu par suite d’une révolution suggérée de manière euphémisée dans les mythes elessariens comme le « départ aux havres gris » ?.
Enfin,sur la rumeur des expériences que mènerait le centre pour l’augmentation du corps et de l’esprit humain et la crainte que le Dit de Deirdre pourrait renforcer ces rumeurs. Comment un seul esprit éduqué pourrait croire à la propagande contre révolutionnaire décrivant des expériences génétiques que nous mènerions sur des « eldars » survivants ? Cela supposerait en premier lieu que les eldars était un groupe non-humain (et le fait que le Dit de Deirdre les mette à part des humains signifie plus selon moi qu’il s’agissait d’un groupe spécifique comme je l’ai expliqué plus avant). Mais cela supposerait surtout que des scientifiques de la Commensalité qui ont dédié leur vie à l’amélioration de la qualité de vie humaine seraient prêt à corrompre leur mission et qu’un philosophe savant du conseil des soixante-six serait prêt à donner un ordre en ce sens. C’est juste ridicule et nul ne peut y croire. La réponse  doit être d’apporter au peuple la Lumière de l’Instruction et du Savoir par l’Education.
Alexei, votre reconnaissant ami.




An 46 de l’Illumination 5 Zishan

Très cher Evgueni, protecteur et lumière du savoir
Je suis sous le choc. On a tenté de dévaliser ma maison. Les voleurs cherchaient le manuscrit mais je l’ai caché et ils ne l’ont pas trouvé. Je suis sous le choc. Que faire ?
Votre dévoué Alexeî
An 46 de l’Illumination 8 Zishan
Alexei
Vous ne m’avez pas cru quand j’ai parlé des menaces que faisaient peser les réactionnaires sur la Commensalité et de l’intérêt qu’ils pouvaient avoir à une lecture certes fausse et tronquée du Dit de Deirdre. Je ne vous en veux pas car vous avez toujours été un rêveur. Je me rappelle d’ailleurs du moment où dans votre innocence si touchante, vous aviez intercédé pour Léontov qui était certes un historien avec un certain talent mais surtout un fieffé réactionnaire défendant toujours mordicus le poison du Livre Rouge. Cette naïveté honore en vous l’homme qui recherche le Savoir et l’Idée pure. Mais elle peut vous faire oublier que la Commensalité n’est qu’un frêle esquif lumineux au milieu d’un océan de fange réactionnaire. Bien des pays et des groupes que ce soit Lixia, Bors , l’Église elessarienne ou Le sentier rigoureux du Seigneur Elessar rêvent de moucher cette lumière. Venez nous rejoindre avec la version du manuscrit que vous avez pour qu’il soit en sécurité au Centre.
Concernant, la publication du Dit de Deirdre, j’ai une petite nouvelle à vous annoncer : il devrait paraitre dans un mois et demi et vous allez recevoir la médaille de Héros de la Science Commensale.
Evgueni

An 46 de l’Illumination. 15 Zishan.
Au citoyen commensal Alexei
Petite vermine, comment avez-vous osé ? Et après ma dernière lettre qui vous mettait en garde. Rencontrer un émissaire d’une maison d’édition borsienne et donc le contacter avant ? N’oubliez pas que c’est moi qui vous ai créé, c’est moi qui vous ai sauvé quand des gens plus avisés que moi voulaient vous faire interner. Petit serpent que j’ai réchauffé dans mon sein du fait de ma naïveté. J’ose espérer que votre folie n’est pas allée jusqu’à lui donner quoi que ce soit. Vous allez être conduit au Centre par la brigade de Gardiens qui vous remettre ceci et votre convocation. La Commission pour la Vérité Historique et celle pour la Sûreté révolutionnaire vous interrogeront. Si vous ne lui avez rien donné, si vous coopérez entièrement alors vous pourrez être amené dans un centre de réclusion et échapper aux châtiments plus rigoureux.
Evgueni,
 membre des Soixante-Six
Rapport du 18 Zishan An 46 de l’Illumination. :
Le citoyen Alexei, historien de catégorie A a été retrouvé mort chez lui. L’autopsie permet clairement de conclure à un suicide. Malgré une fouille complète, nous n’avons pu trouver la version en sa possession du Dit de Deirdre. Sa famille et ses proches ont été interrogés ; pour ne faisant pas partie des gens sûrs amenés dans un centre de réclusion. Aucun interrogatoire même les plus poussés n’a donné quoi que ce soit. La probabilité qu’une maison d’édition borsienne ait eu le manuscrit via un agent borsien connu sous le nom de code W est forte. Nous avons deux options : le publier avant eux sous une bonne version ou attendre et dénigrer à l’avance leur version. Je laisse aux philosophes-savants des Soixante-Six le soin d’en juger.
Petrov, 
gardien, membre de la Commission pour la vérité historique

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